Inspiré du cinéma de Jeunet, le court métrage La Taupe raconte l'histoire d'un vieil homme acariâtre qui imagine la vie morose de ses voisins au gré des différents objets qu'il trouve dans la poubelle de leur immeuble. Ci-dessus, le making of. Ci-dessous l'interview de la réalisatrice, Naïs Graziani.
Naïs, parle nous un peu de ton parcours.
Diplômée en 2015 d’un Master Professionnel d’audiovisuel option montage vidéo par la SATIS, université Aix-Marseille, je suis une jeune réalisatrice. En effet, après quelques expériences comme monteuse (assistante pour le web de Plus Belle la vie, assistante pour Pages&Images etc .. ) j’ai préféré me rediriger vers le tournage et la mise en scène.
Cette frénésie débuta dès mon plus jeune âge. Souffrant d’être fille unique, je ressentais le besoin d’être constamment entourée. A mes six ans, mes parents m’ont offert ma première caméra. Je pouvais filmer mes journées et mettre en scène ma vie. Je n’étais plus seule, j’étais enveloppée par ces milliers d’images et de personnages que j’avais capturés.
Désormais intermittente du spectacle, je travaille dans l’équipe mise en scène sur des tournages de fictions. J’ai dernièrement été assistante réalisatrice sur la série Caïn (France 2) ainsi que sur les Guignols de l’Info (Canal) ou sur divers téléfilms France 3. Polyvalente, j’ai aussi été scripte notamment sur « Chouf » de Karim Dridi sélectionné dans la catégorie hors compétition au festival de Cannes 2016. Et pour finir, je suis également assistante casting notamment sur des longs métrages ou séries.
Passionnée de hiphop, j’ai également été chroniqueuse pour le site Génération Urbaine ainsi que photographe de concerts de rap (Nekfeu, Guizmo, Arsenik, Set&Match, Demi Portion, etc ) sur la région de Marseille. Enfin, j’ai eu la chance de réaliser le clip Marche arrière de Nakk Mendosa pour la mixtape du Gouffre.
Dynamique, polyvalente et passionnée, je me suis mise à l’écriture pour me lancer désormais dans la réalisation de mes propres courts métrages.
Et de la genèse de La Taupe.
Lors d’une projection nocturne au Mucem, je découvre le court-métrage « Foutaises » de Jean-Pierre Jeunet. Ce film sera mon inspiration principale pour l’écriture de mon scénario : un homme aigri et cynique entouré de personnages burlesques, caricaturaux et extravagants.
« La Taupe » est un vieil homme acariâtre qui imagine la vie morose de ses voisins au gré des différents objets qu'il trouve dans la poubelle de leur immeuble : une balle jaune, un tablier maculé de rouge, un verre en cristal cassé, une boîte d’allumettes, etc. Son cynisme l’enferme dans une vision erronée de la réalité, dont il est pourtant convaincu, passant à côté de toute la poésie qui se dégage véritablement de ces objets.
Comment à partir de déchets est-il possible de faire rêver ? C'est là l’objectif du film. Face à un pessimisme grandissant, je souhaite montrer à quel point je crois en la beauté des choses. Changer son regard permet à la poésie de remplacer la médiocrité. Je souhaite montrer ce qu'il y a de Beau dans le Laid ; partir de ce qu'il y a de plus insignifiant pour en extraire ce qu'il y a de céleste.
Ma volonté est de proposer un changement d'optique ; d'offrir dans l'asphyxie progressive de la société une lucarne où s'incarne un espoir.
Après s'être inspiré du réel pour faire de l'art, ce film propose au public de s'inspirer aussi de l'art pour égayer son réel. Pour cela, il déjoue le pessimisme, réutilise cette réalité assombrie pour la renverser et y réinjecter la petite dose de poésie que l'on peut toujours y trouver et que l'on oublie bien souvent.
Comment s'est passé le financement et la création de l'équipe ?
J’ai pu réaliser mon film grâce à une plateforme de financement participatif appelée « kisskissbankbank » sur laquelle j’ai réussi à réunir la somme de 4500 euros. De plus, j’ai organisé une soirée de collecte de fonds au « What’s up » (quartier de la Plaine à Marseille) où j’ai créée un menu que mes fantastiques amis ont préparé et servi à plus de 100 personnes. Nous avons gagné plus de 1000 euros lors de cette soirée.
Travaillant en parallèle dans une association de lutte contre le VIH, j’y ai rencontré Kevin Zephyr, un photographe et vidéaste, devenu aujourd’hui un grand ami. Connaissant son travail et ayant la même sensibilité, je souhaitais qu’il m’accompagne dans ce projet comme chef opérateur.
Nous avons alors organisé plusieurs journées de castings afin de trouver ceux qui allaient réussir à donner vie aux personnages qui grouillaient dans ma tête. Après avoir reçu de nombreuses personnes, j’avais enfin mes 13 acteurs.
Mon équipe fut constituée en majeure partie de techniciens professionnels performants (contacts pro, amis d’école de cinéma ou techniciens ayant répondu à une de mes annonces) ainsi que d’amis débrouillards et cinéphiles avec qui je souhaitais partager cette belle aventure.
En plus des 200 kisskissbankers, un nombre de personne incalculable m’ont aidé à réaliser ce film :
- pendant la prépa où tout le tournage doit être organisé en amont (recherche de financement, castings, repérages des décors, organisation du plan de travail, constitution de l’équipe, feuilles de service) nous étions une dizaine de passionnés enfermés dans un atelier pendant plus deux semaines
- sur le tournage avec 14 techniciens chacun à son pote : assistant réalisateur, scripte, chef opérateur, assistant opérateur, ingénieur du son, perchman, décorateur, accessoiriste, HMC, régie …
- pour le montage image
- pour l’étalonnage (la colorimétrie du film)
- pour la composition musicale du film
- pour le montage son
- pour le mixage
- pour le graphisme (générique, affiche)
Merci à tous pour ce soutien extraordinaire sans qui la taupe n’aurait jamais pu voir le jour!
Quels sont tes futurs projets ?
« La Taupe » a été envoyé dans différents festivals, nous sommes actuellement en attente de résultats.. Nous espérons qu’elle aura une longue vie en salles ! Etant désormais intermittente du spectacle, la plupart de mon temps est pris par les divers tournages sur lesquels je travaille en mise en scène (comme assistante réalisatrice ou assistante casting). Il m’est donc plus compliqué d’enchaîner les projets. Pour autant, je ne perds pas de vue mon objectif principal : réaliser des films et réussir à en vivre. Je viens de réaliser plusieurs vidéos pour le club Pernod et je me suis attelée à l’écriture d’un second court-métrage dont je ne dévoilerai rien de l’intrigue mais qui je l’espère vous fera rêver tout autant…
Les autres projets de Naïs, c'est par ici